L’ostentation de la pureté

burkiniLe débat sur le burkini advenu courant été 2016 offre l’occasion de revenir sur le prosélytisme de la pureté envoyé, qu’on le veuille ou non, par de tels signes convictionnels.

Il convient d’abord de régler le débat sur le plan juridique : qu’on l’aime ou non, on ne voit guère sur quelle base légale une interdiction du burkini, ou du hidjab (voile simple) pourrait se justifier. La seule limitation légale admise – et reconnue par un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 1er juillet 2014, au nom du vivre ensemble – est celle du voile intégral, qui cache le visage et empêche toute interaction sociale. Pour le reste, du point de vue des droits fondamentaux, tant que le visage est visible, il n’est pas davantage interdit de se promener en burkini sur une plage (lieu public) qu’avec un voile simple en rue (autre lieu public). Toutes les interdictions de ce genre par les mairies ou communes sont donc condamnées, tôt ou tard, à se voir cassées comme du bois vert par les juridictions compétentes, et on souhaite donc bonne chance aux hommes et femmes politiques qui s’avancent, au nom de l’ambiance anxiogène du moment, sur cette voie sans issue. La liberté d’expression et de culte protège, dans les limites de la loi, toutes les convictions, y compris les expressions qui  ne plaisent pas, qui choquent ou qui heurtent.

Cela n’empêche pas d’avoir une réflexion sur le message que représentent de tels vêtements. Car la loi n’embrasse pas, loin s’en faut, toutes les dimensions de ce qui se joue dans une société. On peut reconnaître que de tels signes peuvent être portés au nom des droits fondamentaux ; on peut aussi, au nom de ces mêmes droits, dire qu’on ne les aime pas et expliquer pourquoi. Ou l’on peut encore – tel est l’objectif du présent texte – tenter d’expliquer ce qui se joue dans ces débats récurrents qui donnent l’impression de nous enliser.

C’est un argument entendu régulièrement, et qui se base sur un postulat qui, lui, n’est que rarement exposé en tant que tel : il serait naturel pour un être humain de privilégier, en toute situation et circonstance, un signe religieux et convictionnel à une situation d’interaction sociale – le travail ou l’école, ou même la rue s’agissant du voile intégral. Sur ce point, en abordant le voile intégral, les juridictions compétentes ont pu argumanter que cet isolement éventuel était la conséquence du choix des intéressées et donc non directement des dispositifs attaqués. Il reste que la force du lien que les croyantes semblent entretenir avec un vêtement au point qu’il constitue une partie d’identité dont il serait impossible de se départir mérite d’être investigué. Les Européens s’étonnent souvent de la difficulté que les femmes musulmanes éprouvent à ôter leur voile pour se rendre à l’école ou au travail, au point qu’elles préféreront se priver de ces activités plutôt que de renoncer à ce qui apparaît comme une simple étoffe. Cette difficulté paraît encore plus incompréhensible, de ce point de vue, dans le cas du voile intégral, qui est incommode et nécessité un sacrifice social et psychologique élevé de la part de celle qui le porte, qui doit donc trouver une compensation psychologique dans un sentiment de plénitude, de cohésion et de satisfaction qu’il apporte en retour.

Là gît l’une des clefs de l’incompréhension ; d’un point de vue occidental, ces manifestations du visible que sont le voile et le voile intégral ne sont que des vêtements qui peuvent aisément s’ôter. Pour nombre de croyantes, en revanche, le voile devient une sorte de seconde peau qu’il devient impossible d’ôter sans se sentir salie ou nue. Quelles que soient les justifications, bonnes ou mauvaises, du port du voile, du burkini ou du voile intégral, il ne fait guère de doute que lorsque son usage est solidement ancré, il s’intègre au schéma corporel que les intéressées entretiennent d’elles-mêmes. Dans une analyse du rôle du voile traditionnel durant la guerre d’Algérie, le psychiatre Frantz  Fanon consacre un article aux femmes algériennes se dévoilant pour combattre et se mêler à la foule et aborde, entre autres, le conflit psychique intérieur aux femmes voilées contraintes de se déguiser en occidentales pour la cause : « Impression de corps déchiqueté, lancé à la dérive ; les membres semblent s’allonger indéfiniment. Quand l’Algérienne doit traverser une rue, pendant longtemps il y a erreur de jugement sur la distance exacte à parcourir. Le corps dévoilé paraît s’échapper, s’en aller en morceaux. Impression d’être mal habillée, voire d’être nue. Incomplétude ressentie avec une grande intensité. Un goût anxieux d’inachevé. Une sensation effroyable de se désintégrer »[1]. Le ressenti de ces femmes contraintes de se dévoiler – ici, pour une cause  par elles jugée supérieure – est-il assimilable à ce que d’autres femmes, voilées ou voilées intégrales, pourraient avancer ? Lors des débats sur l’interdiction du voile intégral, les hommes politiques et de nombreux chercheurs se sont évidemment intéressés à la parole des femmes portant la burka ou le niqab. Les sources montrent que les motivations pour porter le voile intégral volontairement sont nombreuses et ne sont guère univoques. Les rapporteurs de la loi française les classent en deux genres : la revendication d’une forme de pureté d’une part et la distanciation vis-à-vis d’une société vue comme corrompue d’autre part[2]. Cette ostentation de la pureté par manifestation volontaire d’effacement constitue le paradoxe du voile intégral en Occident, et dont le burkini, en tant qu’ostentation de l’invisible dans le visible, est l’une des déclinaisons.

Si les problèmes se crispent autour de ces marqueurs particuliers que sont les vêtements, ce n’est pas un hasard. Le vêtement et le corps de la femme, l’ostentation, la religion sont des concepts liés. Le vêtement – ou le droit à l’absence de vêtement – est l’étendard des luttes féministes, parce que la lutte en faveur du droit des femmes a toujours pris comme terrain le corps des femmes et la libre décision de ce que celles-ci en font. L’enjeu fondamental du féminisme visuel est de détacher le droit des femmes de s’habiller du regard des hommes, de rendre ce droit indépendant de ce que le regard de l’homme peut porter. Mais en acquérant le droit de se vêtir comme elles le souhaitent, liberté utilisée en général pour s’émanciper de modèles conservateurs ou religieux, les femmes ont aussi acquis le droit de se vêtir d’une manière qui pourrait être interprétée comme une soumission à des modèles idéologiques ou sociaux déterminés, en ce compris les prescrits religieux. Ce jeu de « liberté contre liberté » est au cœur du débat, et est régulièrement utilisé par les partisans du port du foulard : ne pourrait-on pas ainsi se demander, comme le font certains pourfendeurs des lois anti-foulard, si les tenues légères et sexy ne constituent pas aussi une soumission libre (mais une soumission tout de même) à un modèle occidental réduisant les femmes à des objets de consommation?

Il y a pourtant une importante différence entre de telles manifestations et le port de signes religieux : le vêtement religieux ou le foulard n’est pas seulement l’expression d’une identité et donc l’exercice d’un droit fondamental pouvant ou non être limité ; il cristallise aussi de manière ostentatoire le refus ou la forte réticence à jouer dans un mélange précis, celui de l’espace public que la modernité a fait sien depuis la généralisation de l’individualisme juridique – et c’est cela, et non l’invocation des valeurs habituelles de sécurité ou d’égalité entre hommes et femmes, qui a emporté la décision de la Cour européenne s’agissant de la validation de l’interdiction française du voile intégral. Pour le dire autrement, ce qui crispe dans les affaires de voile est qu’il ne signifie pas seulement : « je suis une musulmane ». Si c’était le seul message, sans doute ne susciterait-il aucun problème autre que la reconnaissance d’un droit d’expression religieuse légitime et largement exigible dans une société démocratique. Le problème, c’est que le voile signifie aussi, ou est en tout cas interprété comme : « je suis une musulmane pratiquante et je ne te fréquenterai intimement, toi, homme, que si tu es un musulman…  et donc je ne te fréquenterai pas, toi, homme de la société d’accueil, mécréant ou chrétien, Juif, ou etc. ». Certes, ce message non-dit mais exprimé relève du droit des intéressées, tout comme chacun en démocratie a le droit d’exprimer ses préférences personnelles, les relations humaines privées étant à la fois libres et arbitraires – même si cet arbitraire terrifiant est en général maquillé derrière le vocable rassurant de « liberté ». Certes, à bien y regarder, la société fourmille de petites exclusions de ce genre, qu’elles se déclinent sur base religieuse, culturelle, de classes sociale, d’origine. Néanmoins, la ségrégation à laquelle invite le vêtement religieux manifeste non pas simplement l’appartenance à une religion, mais une exclusivité sociale inhérente à une religion. Le vêtement en tant que marqueur identitaire comporte  un aspect performatif, qui crée l’appartenance par simple démonstration.

Tout ce qui précède n’est pas le seul apanage du voile : il n’est en réalité nul marquage extérieur qui ne puisse également être interprété comme synonyme d’exclusion de l’autre, et le fait que ces marques d’exclusion sont elles-mêmes garanties par les droits de l’homme ne change rien à l’affaire, car le droit ne fait que protéger des droits et n’a pas de prétention a priori sur l’orientation d’une dynamique sociale – c’est la différence d’appréciation entre ceux qui essentialisent les libertés au temps présent, par elles-mêmes, comme Amnesty International et les anglo-saxons, et ceux qui incluent dans leur conception de la liberté une vision à moyen et long terme de ce qu’est une société comme tend à le faire l’Europe continentale, la France en première ligne. En revanche, la multiplication de ce type de conflits met en exergue l’existence d’un postulat propre à l’espace public des sociétés modernes : « je ne suis pas supposé discriminer, mais je peux manifester mes préférences religieuses ou convictionnelles dans les interactions sociales ». Or, c’est un tel postulat, basé sur un équilibre qu’on peut critiquer, mais qui a le mérite d’exister, qui est brutalement remis en cause par le voile intégral. Chacun a le droit de ne fréquenter que des gens de sa religion ou de son groupe ethnique tant qu’il ne commet pas discrimination ; cela n’empêche pas qu’un minimum d’interactions se produisent en société. En revanche le voile intégral, quant à lui, coupe toute possibilité d’interaction et transforme la préférence en exclusion délibérée : là où le voile simple dit « je ne te fréquenterai pas intimement si tu n’es pas musulman », le voile intégral dit « je ne te fréquenterai pas du tout et d’aucune manière si tu n’es pas musulman ; et même si tu l’es, tu n’es pas prêt de voir mon visage ». Le voile intégral extrapole et pousse à son paroxysme l’invitation à la préférence existant dans toute expression d’identité en la transformant en invitation à l’exclusion. Cela rappelle dès lors, un peu brutalement, qu’il n’existe pas de manifestation religieuse ou convictionnelle visible qui ne puisse receler, en puissance, un message d’exclusion et de prosélytisme. La ligne entre préférence et exclusion est franchie lorsque toute possibilité d’interaction est niée.

Le voile intégral, comme paroxysme, permet de mettre en exergue les prémisses sur lesquels sont construites nos sociétés et obligent à clarifier vis-à-vis de nous-mêmes ce que nous nommons le vivre ensemble. L’espace public moderne est en équilibre sur un non-dit en forme de compromis : a priori tout contact, toute connexion entre individus devrait être possible. Le mélange et le métissage y sont valorisés, et font même l’objet de politiques proactives – songeons à la mixité sociale dans les écoles : notre société toute entière est axée sur l’exigence d’une mixité, si pas effective, à tout le moins possible. De même, dans l’autre sens, les exclusions et discriminations sont condamnables si elles ne reposent pas sur un but légitime et des moyens proportionnés. Il y a un postulat sous-jacent à l’espace public dans la modernité que l’on pourrait énoncer comme suit : le mélange des individus dans une société libre et démocratique n’est pas obligatoire mais doit impérativement être et rester possible. Un tel horizon, un tel contexte force peu à peu les individus à composer avec d’autres visions du monde que les leurs, et cela les rend mutuellement aptes à s’accepter. Dans ce monde où toutes les idéologies s’effritent, il s’agit là de l’une de nos dernières certitudes, et il est assez naturel qu’elle s’axe autour des droits fondamentaux comme matrice à vocation universelle. Cette vocation de mélange propre à l’espace public doit se marier avec ce qu’elle contient en germe : la relativisation voire le métissage de toutes les appartenances particulières au profit d’autres appartenances de synthèse (en ce compris de valeur) – telle est en réalité la marche du monde depuis toujours, que notre regard nous rend imparfaitement en nous faisant croire que nos attributs identitaires sont homogènes alors qu’ils sont eux-mêmes le fruit de mélanges et d’évolutions que nous ne percevons plus. Or, tout en prônant de manière discrète l’invitation au mélange, la société promeut aussi l’identité individuelle et particulière comme pouvant et devant résister au mélange : c’est l’ambivalence profonde du slogan postmoderne « tous égaux, tous différents », qui invite à la fois au mélange et au non mélange, à la fois à la préférence et à la non-préférence.

On le voit, il est possible de soutenir que, au fil de l’évolution historique, le voile n’est pas une fin en soi, mais un moyen ; que l’on ne se trouve pas en face de comportements traditionnels à faire interagir avec la modernité mais d’un objet se posant nommément et explicitement en opposition et en confrontation avec l’Occident, c’est-à-dire avec le visible et avec l’ostentation, dans un mouvement identitaire et revendicatif d’intégrité, de pureté et de mise à distance de l’impur. Le genre féminin a bon dos dans cette polémique : l’enjeu est bel et bien un rapport de forces entre visions du monde. A première vue entre Occident et Orient ; mais plus réellement, si on se donne la peine de le mettre au jour, entre visions du monde acceptant le flux et la contingence et celles ne l’acceptant pas. Que le radicalisme entretenu sur la question du voile, qui connaît son apogée par le voile intégral, soit in fine une confrontation entre visions du monde  est la thèse proposée par Bruno Nassim Aboudrar : « Si le voile musulman heurte tant la sensibilité des Européens – ce que montre à l’envi le débat dont il fait l’objet, en tout cas, en France, depuis plus de vingt ans – ce n’est donc pas tant en raison de l’outrage éventuel fait aux femmes (nous tolérons, hélas, toutes sortes d’outrages) que parce qu’il inquiète profondément l’ordre visuel sur lequel le monde occidental s’est, de longue date, fondé. Il inscrit en effet dans une économie du visible entièrement soumise au règne du regard le refus de se laisser voir »[3]. A la provocation que représente, depuis les colonies, l’irruption du visuel occidental dans le champ musulman, un certain islam répond par une autre provocation, consistant à amener l’invisible dans le visible, sous la forme de fantômes exprimant une revendication d’identité impossible à éluder dans un monde dominé par l’image. Par le voile, la femme musulmane est devenue une image, et même une icône. Ce n’est pas le moindre des paradoxes. Et cette iconisation de la femme musulmane par le voile peut être vue comme l’entrée dans un monde occidental visible d’un Orient mû par l’invisible.

En effet, alors que dans le christianisme, le voile est objectivement et nettement prescrit, il se cantonnera finalement aux seuls ordres monastiques féminins ; en terre d’Islam en revanche, où les textes y font une place réduite, il prendra une place prépondérante. Comment expliquer une telle différence ? L’explication est à recherche dans le rapport à l’image et au visible. L’Occident, sur ses bases grecques, romaines, et puis chrétiennes, est devenu une civilisation visuelle, où le regard est devenu prépondérant, depuis l’iconographie des premiers siècles jusqu’au cinéma et aux écrans d’aujourd’hui. N’importe quelle église chrétienne, de la plus modeste chapelle de village à la plus insolente Basilique, constitue une exposition foisonnante d’images offertes au croyant, au visiteur ou au pèlerin : songeons aux vitraux, aux sculptures, aux gargouilles, aux bas-reliefs et à l’ensemble de l’iconographie propre aux églises chrétiennes, entièrement portée vers le regard des croyants. Le rapport à l’image de la Chrétienté provient de ses assises grecques et romaines, qui mettaient déjà la représentation au premier plan. Le Voir est la caractéristique première de la civilisation européenne, dont toute l’histoire de l’art est celle de la représentation. Cela remonte à loin, sans doute à Platon, qui distinguait entre mondes visibles et invisibles. Le monde des idées, inaccessible, rend légitime l’art de la représentation, l’art de la métaphore et du récit. L’Occident n’a cessé de se mettre en image, et même de se mettre en scène, développant une culture où l’important n’est pas l’objet donné à être vu, mais le regard lui-même. La Chrétienté a ainsi établi des rites entièrement visuels ; que l’on songe à l’hostie[4], par laquelle le prêtre lève bien haut une galette d’azyme supposée se transformer réellement en corps du Christ, que l’on songe aux messes et à l’ensemble des gestes liturgiques exécutés par les prêtres. En Occident, le mystère doit se voir ; songeons encore aux processions religieuses, qui ont aimé durablement l’ensemble du Moyen Age et dont un nombre important subsiste encore aujourd’hui. Le mystère doit se voir, et cette manière de concevoir le lien avec le transcendant a débordé des champs exclusivement religieux pour devenir un trait de civilisation.

L’Occident, même largement désécularisé, est resté une civilisation visuelle. Ce serait naturellement assez simple à montrer en histoire de l’art, avec le tournant de l’impressionnisme, avec l’invention de la photographie, puis du cinéma et de la télévision ; mais cela a aussi toujours été le cas des relations avec le politique et son aura transcendant. Les occidentaux ont besoin de voir leurs dirigeants. Ils ont besoin d’avoir l’effigie de leurs têtes couronnées sur leurs pièces de monnaie ou sur lueurs timbres ; ils ont besoin que leurs rois ou leurs présidents fassent des bains de foule, des discours, des visites, des permanences sociales, qu’ils apparaissent à la télévision, bref qu’ils s’incarnent : le mystère et la transcendance se doivent d’être vues. Depuis l’Evangile de Saint Jean, la lumière va de pair avec le témoignage de la lumière « Il était un homme qui s’appelait Jean… ». Le chrétienté se veut lumière, et rappelons que depuis la Genèse la lumière est synonyme de création (« Que la lumière soit »). Le paroxysme de tout cela réside dans le cœur même du christianisme. Alors que dans l’Ancien Testament le Dieu des Juifs, outre qu’il soit beaucoup plus colérique, est invisible (le seul qui a pu croiser son regard c’est Moïse, et il en paiera le prix en n’atteignant pas Canaan de son vivant), le Dieu des chrétiens, lui, s’incarne le plus spectaculairement qui soit : en prenant les traits d’un être humain. Le christianisme est tellement portée sur le regard qu’il est entièrement fondé sur l’idée que Dieu s’est incarné dans un homme – peut-on imaginer ostentation plus assumée – puis sacrifié sur une croix, instrument de torture devenue icône religieuse et symbole de l’Eglise. Le visuel en Occident est une dynamique ; le dévoilement va dans le sens de l’habillé vers le nu, du voilement vers l’ostentation, de l’obscurité vers la lumière, dans une perspective de mouvement qui peut difficilement être arrêtée – et qui pose un problème d’emballement, peut-être sommes-nous devenu une société trop visible, où tout est vu et donné à voir ; nous sommes d’ailleurs aujourd’hui dans un monde d’écrans, saturé d’informations visuelles – c’est un autre débat. Cette dynamique est si forte qu’elle a éclipsé, avec le temps, les forces inhérentes à cette même Chrétienté de cacher les femmes ; le voile, comme on l’a vu, a finalement une place anecdotique dans la vie pratique des chrétiennes, alors qu’il constituait un prescrit net et rigoureux dans les textes bibliques. Ce qui prouve qu’il faut toujours considérer qu’une religion ne se réduit pas à une culture, et vice-versa.

La prépondérance du regard a infusé culturellement dans les lois et mœurs occidentales. Dans les codes pénaux, ce n’est pas être nu ou indécent en tant que tel qui est interdit, mais l’être dans des dispositions où cette nudité est visible ; le poids de la responsabilité est donc placé sur l’objet devant être vu. En Occident, ce sont la lumière, le regard, la transparence qui sont élevés au rang de vertus ; c’est la pudeur, l’opacité, l’obscurité qui sont rejetées et associées à l’obscurantisme, au Moyen Age, en tout cas à l’antithèse du progrès – progrès qui sera même, historiquement, associés aux… Lumières. Alors que, au niveau des droits et des valeurs, la liberté individuelle concerne tant l’envie de montrer que de cacher, c’est bien l’ostentation et la monstration qui sont, dans les faits, associées à la liberté d’expression en son sens premier : il faut donner à voir et pouvoir être vu, il faut n’avoir rien à cacher. La transparence est dès lors devenue une garantie morale, surtout en politique où elle se confond avec la sincérité, alors que le mystère et l’opacité deviennent les refuges de la méfiance et de la culpabilité. L’Occident est donc imprégné d’image, de visible sans doute à un point que, par définition, nous ne percevons pas parce qu’il s’agit de notre réalité, de notre être-au-monde, et cette singularité de la place offerte à la vision, au visible, ne peut donc apparaître que par contraste, lorsqu’elle croise la route de visions du monde moins attachées au visible. Et peut-être est-ce aussi ce qui se produit avec la rencontre du voile, du voile intégral, ou encore du burkini. Le voilement heurte de plein fouet un Occident qui fait du visible et du dévoilement le cœur de son identité.

Or, là où le monde occidental est platonicien, valorise les images, le monde musulman a appris, lui, à évoluer dans l’iconophobie et dans l’invisible et dans la valorisation de ce qu’on ne voit pas ; dans l’Islam on ne représente rien, et surtout pas le Prophète, Dieu ou quoique ce soit de lié aux préceptes coraniques. La différence entre mondes occidental et musulman n’est peut-être pas tant à rechercher dans les différences entre les religions des uns et des autres que dans la différence de l’importance accordée au regard. Car l’importance accordée au visible ou à l’invisible a aussi des conséquences en termes de visions du monde, d’éthique et de convictions. Pour l’Occident, le visuel est prépondérant ; la transparence, la lumière est associée à la vérité – ne nous enorgueillissons-nous pas, d’ailleurs, dans toutes les langues européennes, d’être des civilisations issues des Lumières ? Dans l’islam, le regard et le visuel sont tenus en basse estime, considérés comme pernicieux et ouvrant la voie à la débauche ; il est légitime de réguler le regard et de s’en protéger. Nulle image et nulle icône en islam ; toute l’architecture est fondée sur ce principe d’absence de représentation. De cela témoigne la sobriété des mosquées, qui ont concentré leurs efforts visuels dans la suggestion, dans la créativité de la calligraphie, science de l’écriture où s’est réfugiée l’esthétique, tout en s’interdisant toute représentation. Cela touche jusqu’à l’architecture ; que l’on songe, par exemple, au moucharabieh, antagonisme complet de la fenêtre occidentale qui laisse passer le regard de part et d’autre, et qui au contraire ne laisse passer qu’une lumière filtrée obscurcie – comme le résume Han Belting, le moucharabieh dompte le regard et le purifie, alors que la fenêtre, elle, entend satisfaire la curiosité[5]. Par ce mépris de la vue, l’islam a mis du temps à se protéger et à s’adapter à un monde occidentalisé et mondialisé qui a placé l’image et la transparence au cœur de la civilisation humaine et des échanges mondiaux. Car l’Occident ancré sur le visible a donné le « la » des grandes découvertes, de la navigation, du commerce libéral, puis des inventions techniques basées sur le regard – que l’on songe simplement, aux révolutions qu’ont dû engendrer l’arrivée de la photographie, puis du cinéma, puis de la télévision et d’internet dans une culture proscrivant toute image.

Il faut pouvoir postuler que le réinvestissement dans ce visible de l’invisible qu’est le voile est une réaction à cette transparence et ces images imposées par l’Occident. Une réaction, et aussi, peut-être, l’origine d’un déséquilibre, qui prend les formes aujourd’hui d’une nette différence de statut entre hommes et femmes alors qu’elle n’était sans doute pas aussi marquée avant. En effet, dans le Coran, c’est aux deux sexes qu’il est demandé d’être réservé ; si les femmes sont invitées à se voiler, les hommes, eux, sont invités à « baisser leur regard » en présence d’une femme. Il y avait dès lors une forme d’équilibre des responsabilités entre celui qui porte le regard – l’homme – et celle qui en est l’objet – la femme, même si naturellement, subsiste une dissymétrie d’exigence entre un regard à ne pas porter et un vêtement à porter. Or cet équilibre, même imparfait, semble rompu dans l’islam contemporain. Un déséquilibre né du bouleversement induit par la mondialisation de la vision : il n’est plus guère possible, aujourd’hui d’échapper aux images. En effet, « un discours largement diffusé postule que la charge de modérer le désir revient à la femme, exclusivement, l’homme demeurant libre de porter sur le monde un regard « à l’occidentale », c’est-à-dire affranchi de toute maîtrise. Ainsi, du couple que formaient dans l’islam classique le voile des femmes avec les paupières baissées des hommes, ne subsiste plus aujourd’hui, en règle générale, que le premier terme. Le voile, cette fois soumis au contrôle visuel des hommes. Le voile devenu l’image observée de la femme pieuse et, par extension, l’image, offerte à la vue du monde, d’une religion qui méprisait les images et interdisait qu’on les contemplât »[6]. Il y a donc là, même d’un point de vue strictement intrinsèque à l’islam, une inégalité entre genres amenée par le triomphe de l’image occidentale, et qui entraîne la charge du repli de l’invisible sur les épaules des seules femmes ; puisqu’il n’est pas possible de demander aux hommes de fermer les yeux en permanence dans un monde rempli d’images et de tentations, il n’y a guère d’autre solution que de renforcer jusqu’à l’extrême le voilement de l’objet du désir. Néanmoins, même ceci posé, le port volontaire du voile renvoie à autre chose qu’une soumission de la femme à l’homme : « Dans un monde désormais vraiment universel où l’image a vaincu, les femmes musulmanes, quand elles se voilent volontairement, ne le font pas, en effet, en signe de soumission à un ordre phallocrate qui les assujettirait. Elles assument avec une forme de panache la charge de rendre l’islam visible par ce qui reste de son ancienne préférence pour une visibilité réprimée ou, du moins, rigoureusement régulée »[7]. Et cela, on le voit si on examine de quelle manière se justifient et s’expliquent les principales intéressées. Les femmes qui portent le voile intégral mettent en avant l’intégrité de leur religion – cela renvoie au désir de pureté – mais aussi à une volonté claire de montrer ce qu’on est, phare d’intégrité dans un monde perçu au mieux comme chaotique et arbitraire, au pire comme corrompu et dégénéré. Les mots fierté, combat sont omniprésents, tout comme une peur réelle de disparition ; or il y a là une intuition qui possède une part de justesse. En Occident, il est exact que ce qui n’est pas vu et perpétué se dilue, se fond inexorablement, car telle est la dynamique de la modernité : accepter le flux et la contingence, rejeter l’immobilisme et la nécessité comme des certitudes périmées. Le voile répond à une perception intuitive – et juste – du fait que la dynamique visuelle propre à l’Occident fonctionne comme une machine qui ressasse et broie, fut-ce progressivement, tout sur son passage, et par le biais de la représentation forcée, favorise à ce point les rencontres, les contacts que tout ce qui a trait à l’homogénéité risque de s’y retrouver noyé.

Il faut donc bien le mesurer ; c’est d’abord l’image qui a fait irruption dans le monde musulman par le truchement de la colonisation, dans un univers où la représentation n’existait que fort peu, où est valorisé l’irreprésentable dans son principe – avec tout ce qui accompagne l’irreprésentable : le respect littéral des textes, le statique, les faibles marges d’interprétation, la méfiance vis-à-vis d’une dynamique de rencontre. C’est à ce bouleversement que le voile, et singulièrement le voile intégral, répond, en se manifestant comme visible dans une société visible, alors que la logique inhérente au foulard – l’invisibilité du corps de la femme – eût pu se manifester, au contraire, par une assimilation aux us et coutumes des femmes occidentales. Au contraire, le voile et le voile intégral stigmatisent et marquent, au vu de tous, la femme voilée comme femme musulmane dans une société occidentale. Au lieu de la faire passer inaperçue, le voile la place en pleine lumière. On comprend mieux, de ce point de vue, le défi de civilisation – et donc la virulence des débats y afférents- que constitue le voile intégral : « Soustraire la femme à la vue d’un objet, le voile, qui montre qu’elle s’y soustrait est donc une manière très efficace de mettre en crise un des fondements de notre culture, son système visuel, que nous avions cru pouvoir étendre au monde entier comme on a universalisé le calendrier chrétien, avec la même impériale insouciance »[8]. De ce point de vue, le renouveau du voile en toutes ses variantes, du burkini au voile intégral, est une gradation dans un combat contre le visuel incarné par l’Occident, par un retournement spectaculaire contre lui-même de cette arme visuelle qui est pourtant la définition de son identité.

On aurait donc tort de voir dans l’affaire du foulard, sous ses différentes déclinaisons et en particulier le voile intégral,  un simple débat entre valeurs religieuses et modernité ou entre laïcité et droits de l’homme. Il y a bel et bien un combat à l’œuvre, entre un monde occidental tant fondé sur l’image qu’il ne se rend plus compte que c’est là une spécificité qui lui est propre ; et une velléité identitaire utilisant le voile, et surtout le voile intégral, non comme simple prescrit religieux, mais comme outil de lutte fait pour être vu. La preuve en est du recours, par des femmes d’origine maghrébine, à des voiles intégraux qui n’étaient pas monnaie courante au Maghreb ni en Turquie, mais proviennent de contrées extérieures – Arabie Saoudite – que la propagande islamiste a transformé en icones. « Autrement dit, commente Nassim Aboudrar, ces musulmanes d’Occident se comportent comme des images et imitent des images. Et cela pour exprimer une religion, affirmer un culture qui abomine l’ostentation en général, celle des femmes tout particulièrement, et proscrit les images »[9]. Cela témoigne bien du fait que l’effet de perforation de l’espace public est bel et bien recherché. Le message visuel est celui – on y revient – d’une certaine pureté. Le refus du mélange manifesté dans une société qui fait du mélange sa loi est un défi majeur, car au nom de ce même mélange, l’Occident protège les droits religieux et de conviction de chacun, en ceux compris de ceux qui refusent le mélange.

Voilà pourquoi la question du voile constitue un carrefour qui témoigne que ce qui est en jeu, c’est le refoulement de la vision comme révélateur de la corruption inexorable de toute chose. En effet, le visible est menaçant car c’est par lui que se produisent les échanges, et donc les altérités, et donc les altérations. Or toutes les religions se protègent contre l’altération et préservent l’homogénéité – ou plutôt, refoulent le visible qui révèle, inévitablement, que toute chose finit par le mélange, le flux, la contingence. Les religions sont allergiques à cette vérité, car le visible sape toute métaphysique en mettant en valeur la nature chaotique des choses ; par la vision se véhicule la relativité, la rapidité du changement.

Si les femmes constituent le plus… visible et évident des boucs émissaires de la colère des chantres de la pureté, c’est parce qu’elles incarnent par nature la contingence du temps et du relativisme. Ainsi, en donnant naissance, les femmes sont gardiennes de fait de la perpétuation ; et si l’altération d’une communauté se produit, par le mélange et le métissage, il sera aisé de le leur faire porter le chapeau. Parce qu’elles donnent la vie, les femmes sont vues comme le maillon faible par lequel une communauté peut perdre ses spécificités.

Ainsi, dans le judaïsme, la loi juive considère « impure » une femme ayant ses règles, ayant accouché récemment. L’est aussi un homme coupable de pollutions nocturnes ; sous ce statut, les intéressés doivent être tenus à l’écart de la société le temps d’une forme de régularisation et, notamment, doivent s’abstenir d’actes sexuels. La notion d’impureté dans la tradition juive apparaît proche de tout ce qui concerne l’écoulement hors du corps, telle une faille corporelle ayant laissé passer des éléments de l’intérieur vers l’extérieur, et qui nécessiterait un temps de suturation ou de cicatrisation[10]. Dans un texte du 2ème siècle[11], l’impureté est associée à trois notions : la mort, les reptiles et la lèpre, trois notions ayant en commun la décomposition. En ce sens, ans la tradition hébraïque, peut être considéré comme impur « un corps qui ne présente plus de séparation claire entre son intérieur et son extérieur, entre son caché et son visible »[12]. Ce qui se décompose, ce qui fuit et, pourrait-on ajouter, ce qui est pénétrable : on peut comprendre comment le féminin devient, par le développement d’une telle pensée, l’archétype de ce qui peut être aisément impur et qu’il convient donc de protéger. Le féminin est entièrement vu comme zone intime[13], en ce compris à sa surface, « contaminée » par le reste de son corps considéré comme muqueuse, c’est-à-dire comme poreux, ouvert, pénétrable, réduite à son cycle menstruel, là où l’homme est rigide, possédant une membrane bien moins fragile. Or il y a indéniablement un lien entre les rites corporels d’une société et sa propre perception par celle-ci, comme le démontre Mary Douglas dans son ouvrage De la souillure ; se trouve concentré dans les rites corporels le poids des craintes du corps social lui-même. On saisit comment la femme devint le bouc émissaire de la recherche effrénée de la pureté ; par son obsession pour la pudeur de ses femmes ou leur voilement, supposés protéger la porosité dont son corps est porteur, une société ou une tradition entend protéger ses frontières[14], dont elle conçoit inconsciemment les femmes comme les barrières, car c’est par elles que la communauté se reproduit. Protéger la pudeur des femmes, c’est protéger les frontières d’une culture, d’une tradition, d’une religion, voire d’une nation, car c’est par elles que peut advenir la remise en cause de la pureté, de l’homogénéité, du mélange, du métissage – visions d’horreur pour tout qui considère la pureté comme idéal à préserver.

Mais derrière cette pureté, on constate que c’est le refus d’un autre écoulement qui se manifeste : celui du temps. La peur du visible est la peur de ce que le visible traduit inévitablement, de manière de plus en plus forte depuis la modernité : le savoir, la connaissance. Et cette connaissance est celle de la contingence, de la fragilité de ce qui nous entoure, vérité que la religion par essence doit combattre car elle se base sur la nécessité et sur l’évidence. Et là où ce qui est invisible ne peut être nié, le visible, lui, peut être renversé, car par lui passe toute chose. Ce que la religion craint dans le visible, c’est de s’y voir réduite, de se voir réduire à la possibilité que toute chose soit visible, et que l’invisible et la métaphysique n’existent pas, soient définitivement démonétisées, soient le fruit de l’imagination des hommes.

[1] FANON, Frantz, L’Algérie se dévoile, in L’An V de la révolution algérienne (1959), Paris, La Découverte, 2011, p. 19-50, cité par NASSIM ABOUDRAR, Bruno, op. cit., p. 154.

[2] Assemblée nationale, Rapport d’information fait en application de l’article 145 du Règlement au nom de la mission d’information sur la pratique du voile intégral sur le territoire national, p. 43, http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i2262.pdf.

[3] NASSIM ABOUDRAR, Bruno, Comment le voile est devenu musulman, Flammarion, Paris, 2014, p. 16.

[4] NASSIM ABOUDRAR, Bruno, op. cit., p. 175.

[5] NASSIM ABOUDRAR, Bruno, op. cit., p. 183.

[6] NASSIM ABOUDRAR, Bruno, op. cit., p. 194.

[7] NASSIM ABOUDRAR, Bruno, op. cit., p. 208.

[8] NASSIM ABOUDRAR, Bruno, op. cit., p. 16.

[9] NASSIM ABOUDRAR, Bruno, op. cit., p. 19.

[10] HORVILLEUR, Delphine, En tenue d’Eve, Féminin, pudeur et judaïsme, Grasset, Paris, 2013, p. 126.

[11] TOHOROT 1:5.

[12] HORVILLEUR, Delphine, En tenue d’Eve, Féminin, pudeur et judaïsme, Grasset, Paris, 2013, p. 128.

[13] HORVILLEUR, Delphine, En tenue d’Eve, Féminin, pudeur et judaïsme, Grasset, Paris, 2013, p. 129.

[14] “En admettant que la peur du féminin ait, dans une certaine littérature religieuse, quelque chose à voir avec une appréhension de la porosité du corps, l’obessession de la pudeur des femmes renvoie peut-être un groupe à son angoisse vis-à-vis de ses frontières sociales” (HORVILLEUR, Delphine, op. cit, p. 130).



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17 réponses

  1. Excellent article auquel il faudrait rajouter la lecture de Bela Grunberger: Narcissisme, christianisme, antisémitisme : Étude psychanalytique et le « Moi-peau » de Didier Anzieu.

  2. Par contre personne n’a l’énergie d’attaquer l’exhibitionnisme, je dirais même l’exposition de photos d’enfants sur internet, en particulier Facebook, à la vue de tous les voyeurs, pédophiles et pervers potentiels. On protège sa « cul »ture, mais les enfants, on s’en fout.

  3. L’idéal de pureté est également caractéristique des civilisations des dites des « lumières » par l’idéalisation de la pédophilie (intérêt pour l’enfant pré-pubère, qui n’a pas de poils, ni pour les petites filles: ses règles). Relire Sade.

  4. Merci pour ce texte, François, qu’une première lecture n’a sans doute fait qu’effleurer le sujet si…sensible !

  5. François,

    Devons-nous accepter au nom de la démocratie,des lumières,de la liberté de religion….ce qui nous est interdit en Arabie,etc
    Quand pourrons-nous prier dans une église à Riad et voir nos soeurs se balader les seins nus sur une plage publique au bord du golf persique ?
    A titre personnel que les juifs portent la kippa,les sikhs un turban et les curés une croix,je m’en fiche mais quand cela devient un signe de rejet et d’identité contestataire après 3 générations dans le pays je me pose des questions sur l’intégration et notre système éducatif.

    Georges

  6. Très intéressant. Par contre je pense que le discours sur « je ne te fréquenterai pas intimement si tu n’es pas musulman » est erroné. Même si ces traditions du voile viennent rarement des pays d’origine de ceux qui les portent en Europe, leur signification dans leur pays d’origine est « simplement » « je ne te fréquenterai pas intimement si tu n’es pas mon mari ». On ne verra pas plus une femme voilée fréquenter un groupe d’hommes musulmans (à part sa famille proche) que d’hommes non-musulmans. Même si ce voile est en occident un outil de différenciation entre musulmans et non-musulmans, le message n’est pas destiné aux hommes non-musulmans mais de manière directe aux hommes en général et de manière indirecte aux non-musulmans des deux sexes.

  7. Merci d’élever le débat par un texte « éclairant » qui donne envie de lire Nassim Aboudrar.

  8. Merci pour ce texte « éclairant » qui élève le débat.

  9. Merci pour ce nouveau regard entre ce qui est visible et ce qui ne l’ai pas … le droit à l’image est marqué par une difference de perception entre l’occident et l’orient …. entre le droit à l’image et le droit de la préservation de l’image … bravo pour cette article . .

  10. En ce qui me concerne, je me suis toujours efforcé de respecter les opinions et la manière de vivre d’autrui, mais après avoir vécu une expérience assez désagréable dans une établissement scolaire dont j’ai été responsable pendant 5 ans, j’ai appris à me méfier des « jongleries » oratoires pour tenter de justifier et pousser l’argutie jusque dans ses derniers retranchements. Je constate qu’une communauté s’impose par tous les moyens possibles et utilise les « largesses » de notre démocratie pour nous les renvoyer dans la figure.
    L’expérience à laquelle je fais allusion est la suivante: juste avant mon arrivée dans cet établissement, mon prédécesseur (une dame) avait permis au professeur de religion islamique de prendre une importance telle qu’en peu de temps, ce dernier se permettait d’intervenir dans le « passage » de classe, dans l’entrée prématurée des petits de 5 ans en première année, se permettait de juger des qualités intellectuelles des élèves de sa communauté, parlait rarement français pendant son cours, poussait sa communauté à intervenir pour changer la période de passage du C.E.B. , pour séparer les filles des garçons au de gymnastique et surtout, au bassin de natation, faisait en sorte de faire partir les élèves d’origine maghrébine de son cours, contester la qualité d’une circulaire (rédigée en turc )que j’avais distribuée aux élèves de sa communauté pour préciser des éléments de règlement et autres sous prétexte que ce document avait été rédigé par une association turque läïque !! Il avait obtenu, avec l’accord de mon prédécesseur, l’autorisation de donner des cours d’islam dans les locaux de l’école après les heures de classe (samedi compris et jusque 22 h.!! )- il sollicita même l’autorisation de prolonger ces séances jusque 22 h 30′ et je ne m’y étais pas opposé avec détermination et avec l’appui du conseiller pédagogique, il aurait encore obtenu satisfaction !! Et, cerise sur le gâteau, ayant été invité à la fête de l’hayid (orthographe non garantie) , j’ai pu constater que cet individu avait aussi invité un « professeur d’histoire et de philosophie ( du moins est-ce ainsi que fut présenté le gaillard) à prendre la parole . Et l’assistance put entendre un laïus qui peut se résumer de la sorte : ( ceci remonte à mai 1992 !!) : les Européens DOIVENT comprendre que les musulmans sont au nombre d’environ 17 millions chez eux et qu’il n’est plus question pour nous de nous intégrer mais bien à eux de s’intégrer dans notre culture !!! Sans aucune réaction des autorités politiques de la ville de Charleroi alors que deux conseillers communaux se trouvaient dans l’assistance. J’ajouterai que je n’ai jamais eu le moindre soutien de l’échevin de l’Instruction pendant ces 5 années. Alors, quand on me demande de faire preuve d’ouverture d’esprit et de respect des opinions d’autrui, je déclare simplement; l’ouverture d’esprit et le respect doivent fonctionner à double sens sinon c’est incontestablement un marché de dupes !! Et nous sommes les dupes !!

    • Vous avez mille fois raison : nous sommes les victimes consentantes de ce marché de dupes…!
      En tant que femme, je suis très inquiète : je vois les avancées de notre liberté menacées : voir les ‘dait divers’ au sujet des jeunes filles en short insultées, ou les femmes (dont je fais partie) à qui on a refusé de serrer la main !
      Tout cela est très grave…

  11. Merci de ce témoignage.

  12. Puissant, j’ai lu et je relirai encore, Michel Ansay

    *ATTENTION TOUJOURS ME RÉPONDRE SUR : mansaymady1@gmail.com *

    *Michel Ansay* 15 rue Nestor Royer 4367 Fize-le-Marsal (Crisnée)

  13. Je lis, début octobre 2016, ce remarquable article, ainsi que le témoignage donné de l’islamisation en milieu scolaire. Je voudrais, en tant que femme, faire part de mon désarroi : j’ai récemment été en présence d’un musulman qui a refusé de me serrer la main… ce jour là, j’ai compris à quoi le mot ‘impure’ pouvait renvoyer : à la négation de l’autre, de la femme que je suis. Cette négation, si blessante, je l’ai récemment retouvée, de façon paradoxale sur un site de rencontre : une femme voilée apparaissait ! Curieux mélange, évoqué dans l’article, de monstration de l’invisible. De négation du visage.

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